L’ami arménien de Andreï Makine, Grasset, 2021
Andreï Makine est un écrivain d’origine russe, il vit à Paris, écrit en français, est membre de l’académie française. Ce roman est autobiographique sur son adolescence. Il vivait en Sibérie dans un orphelinat C’est l’histoire de son amitié avec Vardan, un jeune arménien qui fréquente la même école et vit avec sa communauté dans un quartier isolé du village, « le Bout du Diable ». Ces familles immigrées à 5000 km de leur patrie, le « Royaume d’Arménie », sont là dans l’attente du procès imminent de leurs proches arrêtés par le régime stalinien dont le mari de la sœur de Vardan.
Vardan est plus jeune, de santé fragile, asthmatique, la « maladie arménienne », il est mûr, pur d’une personnalité lumineuse. Andreï va être emmené à le protéger de ses camarades qui l’excluent et le harcèlent car différent, étrange. Ce n’a pas été spontané chez Andreï qui se serait bien rangé de l’autre bord mais va découvrir une autre façon d’appréhender le monde, une autre culture, d’autres jeux.grâce à Vardan et à ses façons de voir le jeune orphelin » se sentait désormais, non pas davantage instruit mais étonnamment attentif à cette mystérieuse possibilité de m’écarter de ce que tout le monde prenait pour la seule et unique vie admise. Oui, la possibilité de m’en décaler et de sortir du « cercle dessiné sur l’asphalte » quitte à être traité de « pas normal ». Il a aussi « compris que nos vies glissaient tout le temps au bord de l’abîme et que ,d’un simple geste, nous pouvions aider l’autre, le retenir d’une chute, le sauver. »
Les personnages sont attachants : Chamiran, la mère, Quizar, la sœur entièrement prise par ses visites à son homme emprisonné, Sarven, le vieux sage de la communauté. Les Arméniens sont « des anciens prisonniers, des aventuriers fourbus, des déracinés égarés qui n’ont pour biographie que la géographie de leur errance », ces « copeaux humaines, vies sacrifiées sous la hache des faiseurs de l’histoire », le passeur entre les deux communautés et l’initiateur d’Andreï est Mr Ronine, le professeur de mathématiques manchot qui est ami des arméniens et a lui aussi été brisé par la vie. Andreï trouvera chez ses nouveaux amis une chaleur familiale et communautaire qu’il n’a pas à l’orphelinat.
C’est un beau roman, très bien écrit avec des scènes magnifiques dont la dernière étreinte entre Guizar et son mari. Roman sur l’amitié, sur la nostalgie de l’ami disparu, de l’enfance pour l’auteur et du pays natal pour les arméniens.
Citations très belles :
« C’est ça le vrai choix : posséder ou rêver. Moi, je préfère le rêve. »
« Ainsi les fous et les poètes échappent-ils parfois à la nasse de cette existence commune légitimée par nos habitudes, nos peurs, notre incapacité d’aimer. »
Anne A.