Une farouche liberté de Gisèle Halimi, Grasset, 2020
J’ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir, je ne connaissais pas assez Gisèle Halimi. Maintenant j’ai l’impression de beaucoup mieux la connaître et surtout de l’apprécier vraiment. Il ne faut jamais oublier en le parcourant que c’est une femme de 93 ans, toujours aussi convaincue, libre, enthousiaste et fraîche qui a accordé ces entretiens à son amie Annick Cojean. Le titre est magnifique et colle complètement au personnage. Née en Tunisie, déjà enfant elle a lutté au sein de sa famille où les filles devaient servir leurs frères à table. Elle s’y est refusé à 10 ans par une grève de la faim et a gagné. Son argument déjà était : » C’est pas juste! ». Le métier d’avocate est donc naturellement devenu un rêve pour cette petite fille volontaire, elle dut se battre à nouveau pour convaincre ses parents (surtout sa mère) de la laisser partir à Paris pour ses études de droit et de philosophie.
C’est un livre court mais fort, qui « donne la pêche » car dans tous ses combats son enthousiasme, sa ténacité ,sa conviction sont communicatifs.
Après une introduction de l’auteur, il s’articule autour de 6 chapitres qui retracent la vie de Gisèle Halimi :
– l’enfance révoltée : ses débuts d’avocate dans un monde masculin, ses réserves sur le libellé du serment, son combat pour défendre et faire gracier des combattants du FLN torturés et condamnés à la guillotine
– la défense de Djamila Bompacha, agent de liaison du FLN, torturée et violée qui aboutit à la condamnation de ses geôliers, membres des troupes françaises. Ce fut aussi le moment où le viol fut reconnu comme crime
– le procès de Bobigny où elle défendait une jeune femme violée à 16 ans et dénoncée par son violeur pour s’être fait avorter. Marie Claire Chevalier fut relaxée et Gisèle fonda à cette occasion son association « Choisir la cause des femmes ». Au cours de ce procès, elle dit à la cour « ressentir avec plénitude un parfait accord entre mon métier qui est de plaider, qui est de défendre, et ma condition de femme. »Elle y déclare aussi avoir elle aussi avorté et « être ainsi une avocate qui a transgressé la loi »
– son expérience de députée en 1981 et sa déception. Seule consolation, il lui permit de faire revoir le serment des avocats et d’avoir contribué à faire supprimer le délit d’homosexualité.
– le dernier chapitre réaffirme sa passion pour son métier, sa fierté d’être une « femme-sujet », il rend aussi hommage à son conjoint Claude Faux, à ses amis dont le plus cher fut Guy Bedos. Leur devise était « ce qui vient au monde sans troubler ne mérite ni égards, ni patience » René Char
La conclusion est à mettre dans les mains de toutes les jeunes femmes. Cette femme de 93 ans toujours aussi vive et révoltée leur passe un « flambeau » qui brille très fort . Je vous laisse le plaisir de le découvrir
Sa dernière phrase est un clin d’œil à Simone de Beauvoir « on ne nait pas féministe, on le devient »
Anne A.