Ma vie rebelle (AYAAN HIRSI ALI)

MA VIE REBELLE d’AYAAN HIRSI ALI, Éditions NIL, 2006.

AYAAN HIRSI ALI est née en 1969 à Mogadiscio en Somalie. Écrivaine, elle vit actuellement aux États Unis où elle enseigne dans le cadre universitaire. Elle a la double nationalité néerlando-américaine, ayant d’abord vécu aux Pays-Bas, où elle avait trouvé refuge en 1992.

MA VIE REBELLE, paru en 2006, est le récit de sa vie : une enfance malmenée, excisée à l’âge de 5 ans par décision de sa grand-mère maternelle qui a profité de l’absence de ses parents en désaccord avec cette pratique, de son père en particulier, opposant célèbre à la dictature somalienne. Elle vivra ensuite de longues périodes d’exil avec sa mère, son frère et sa jeune sœur, en Arabie Saoudite, Éthiopie, Kenya, dont 10 années passées dans un camp de réfugiés à Nairobi, avec un père peu présent qu’elle ne verra que par intermittence. Toutes ces années, Ayaan les a vécu dans un climat de violences, prise elle-même dans un conflit intérieur de soumission à une tradition dominée par une religion portée par les hommes et  d’autre part une révolte qu’elle sentait monter en elle de par sa réflexion et prise de conscience de l’injustice profonde et inacceptable faite aux femmes dans cette partie du monde.

Amenée à un mariage forcé avec un Somalien vivant au Canada, elle profitera de son escale en Europe pour se rendre aux Pays-Bas où elle demandera le statut de réfugiée. Elle y reprendra des études universitaires et deviendra interprète. Elle y connaîtra une période de répit avec la reconnaissance des valeurs fondamentales d’un pays laïque. Elle s’engage ensuite dans la vie politique en étant élue au Parlement Néerlandais de 2003 à 2006. Porte-parole de son parti pour la question de l’intégration, elle défendra les droits des femmes en dénonçant la position des femmes dans l’Islam. Une loi néerlandaise contre l’excision porte son nom.

En 2004, elle collabore à l’écriture de « Soumission », un court métrage du réalisateur néerlandais Théo Van Gogh dans lequel est dénoncé l’assujettissement des femmes par la religion. Après la sortie du film, Théo Van Gogh est assassiné par un islamiste néerlando-marocain. On retrouvera poignardé sur son corps une lettre destinée à Ayaan construite sur le modèle d’une fatwa (verdict religieux). A la suite de cette menace et d’autres qui ont suivi de la part des intégristes musulmans, Ayaan est amenée à vivre dans la clandestinité et sous la protection permanente de gardes de corps. Elle poursuit cependant toujours son engagement en dénonçant les injustices faites aux femmes « On me demande parfois si je n’ai pas le désir de mourir pour continuer à parler comme je le fais. La réponse est non : je veux vivre. Mais certaines choses doivent être dites, et, à certains moments, garder le silence c’est être complice de l’injustice».

L’écriture de ce livre est limpide, sans concession pour ce qui fut son enfance et la pression de la religion dans cette partie du monde où les femmes sont reléguées à la condition de sous-êtres, humiliées, maltraitées, mais elle reconnaît aussi profondément son appartenance à sa culture qui l’a, somme toute, façonnée pour ce qu’elle est devenue aujourd’hui.

J’avais déjà lu ce livre il y a quelques années et je viens de le relire avec mon état d’esprit actuel marqué par tous les événements de ces dernières années : le poids de la religion sur la vie d’autrui et le débat actuel pour un monde laïque avec toutes ses controverses qui n’ont pas fini de passionner et de diviser… Et l’exemple d’une femme telle que Ayaan Hirsi Ali nous montre le chemin de la volonté d’exprimer librement ses pensées pour faire évoluer les mentalités. Il faut beaucoup de courage.

A la fin de l’année dernière, Ayaan Hirsi Ali a été interviewée pour Charlie Hebdo sur la liberté d’expression. (Edition 1471 du 30 septembre 2020) où elle parle de « régression » qui « concerne tous les pays occidentaux. Depuis quelques années, les idées antiprogressistes infusent la culture universitaire, aujourd’hui elles envahissent le débat public… »

Et à son sujet, Salman Rushdie a écrit : « elle est, parmi les défenseurs de la liberté d’expression et de conscience, l’une des plus dignes, des plus intelligentes et des plus compatissantes en vie aujourd’hui, … »

Anne T.