Je ne reverrai plus le monde d’Ahmet Altan, Actes Sud, 2021
Livre écrit par Ahmet Altan, journaliste et écrivain turc, durant son incarcération dans une prison d’Istanbul, de juillet 2016 à avril 2021.
Rédacteur en chef du quotidien TARAF, il a été accusé d’avoir participé au coup d’Etat militaire manqué contre le gouvernement d’Erdogan, dans un contexte d’arrestations massives frappant les milieux médiatiques et intellectuels.
Suite à diverses péripéties dont une condamnation à perpétuité pour « assistance à une organisation terroriste », il sera libéré par les autorités turques le 14 avril 2021. La veille, la Cour Européenne des droits de l’Homme avait condamné l’État turc pour la détention du journaliste. Il a 71 ans.
Dans son livre, Ahmet Altan décrit son arrestation, complètement arbitraire, basée sur la délation. Puis son incarcération et la vie en cellule à laquelle il s’efforce de s’habituer. Loin d’être abattu ou résigné, il choisit la lutte par l’acceptation, l’évasion par le rêve, la survie par la poésie, le salut par l’écriture. Il choisit d’être un écrivain avant d’être un prisonnier.
« Me jeter en prison était dans vos cordes ; mais aucune de vos cordes ne sera jamais assez puissante pour m’y retenir.
Je suis écrivain.
Je ne suis ni là où je suis, ni là où je ne suis pas. »
Ce livre a paru dans plusieurs pays européens, mais pas en Turquie. En France, il a été traduit par Julien Lapeyre de Cabanes, édité aux éditions Actes Sud et Lauréat du prix André Malraux.
C’est un très beau livre, d’une grande force, avec de la poésie et aussi de l’humour. J’ai beaucoup aimé et je le conseille. Découpé en courts chapitres, il se lit facilement.
Il a également écrit deux autres livres pendant cette période, dont un qui fut couronné le 25 octobre 2021 par le prix Femina : « Madame HAYAT ». Le message qu’il adresse aux lecteurs à la suite de ce prix me donne aussi très envie de le lire :
« Madame Hayat a vu le jour dans une cour de prison qu’elle a illuminé de son ironie et de son sourire taquin. Pendant des jours, des mois, des années, elle a vécu avec moi en prison. Je l’ai aimée, je l’ai infiniment aimée. Ce prix montre que vous l’avez aimée. Elle a vu le jour en prison mais, aujourd’hui, elle se promène dans Paris. Libre et heureuse. Sa liberté me rend plus libre. Vous m’avez offert bien plus qu’un prix littéraire. Je veux le dédier à toutes les femmes turques et kurdes injustement emprisonnées. Pour leur dire que même si le droit et la justice les ont oubliées, la littérature, elle, ne les a pas oubliées et ne les oubliera jamais. »